Yvonne ELLES
Source/Voix ouvrière, 11 octobre 1961

Yvonne ELLES

1903-?, ménagère et candidate au Grand Conseil de Genève

Née en 1903, Yvonne Elles est une ménagère, une femme au foyer dans la terminologie actuelle, c’est-à-dire une femme qui travaille au sein de la sphère domestique.

Dans le cadre du projet 100Elles*, le nom d’Yvonne Elles est le symbole des ménagères, de leur condition de vie et du travail qu’elles accomplissent pour la société. Contrairement aux idées reçues, les femmes ont de tout temps travaillé. La majorité d’entre elles étaient, comme les hommes, paysannes, elles œuvraient également en tant que domestiques, couturières, marchandes, ouvrières ou encore commerçantes. Le modèle de la femme au foyer, « bonne ménagère », comme idéal de la condition féminine est une invention du XIXe siècle bourgeois. Ce modèle s’impose lentement dans les faits – en 1910 en Suisse, 46,9 % des femmes ont un emploi salarié –, et n’est statistiquement majoritaire que dans la brève période de l’entre-deux-guerres avant de décliner à nouveau. Statut bourgeois à l’origine, il devient une réalité de la petite bourgeoisie et du monde ouvrier dans le courant du XXe siècle. Le travail domestique est alors un travail qui n’a plus le droit de se dire et qui n’est pas salarié, mettant les femmes dans des situations d’extrême dépendance envers les hommes. Harassant et répétitif, son succès se reconnait à son invisibilité. À l’inverse, avoir sa femme au foyer est pour les hommes une marque de réussite sociale.

Ainsi confinées dans la sphère privée, les femmes au foyer ne laissent guère de traces permettant aux historien.ne.s de décrire leur profession et leur quotidien. Dans les années 1950 et 1960, période où Yvonne Elles exerce ce métier, de nombreuses inventions technologiques destinées à simplifier la vie des femmes au foyer sont réalisées dans le domaine des arts ménagers (machine à laver, couche jetable, prêt-à-porter, prêt-à-cuisiner). Malgré ces innovations, les tâches ménagères restent chronophages et pénibles. À titre d’exemple, le nettoyage quotidien (balayage, dépoussiérage) prend vingt-cinq minutes par pièce, faire les lits entre cinq à dix minutes chacun, la vaisselle pour quatre une vingtaine de minutes trois fois par jour, repasser une chemise d’homme au col amidonné une demi-heure, quatre kilogrammes de lessive quatre heures hebdomadaires. À cela s’ajoutent faire la cuisine, aller au marché, chercher les enfants à l’école ou encore surveiller les devoirs.

Yvonne Elles n’est pas totalement tombée dans l’oubli grâce à sa candidature aux élections au Grand Conseil de Genève de novembre 1961, la première élection où les femmes sont autorisées à se présenter. Elle est alors l’une des candidates du Parti suisse du travail (PdT), parti communiste qui soutient certaines revendications féministes comme le droit de vote au niveau fédéral, l’égalité dans la famille, des formations professionnelles égales, l’assurance-maternité obligatoire et l’égalité salariale. Dans le portrait d’elle dressé par Voix ouvrière, le journal du PdT, Yvonne Elles est présentée comme « ménagère. Figure populaire dans son quartier de Plainpalais où elle assiste, dépanne, aide, conseille. Membre du comité du Mouvement Populaire Féminin ». Elle est vingt-troisième sur une liste de soixante-six candidat.e.s, la première femme est huitième.


Biographie : Laure Piguet

Sources
  • « Votre page Madame. Si précieux est votre temps… Ménagez-vous », Voix ouvrière. Organe du Parti suisse du travail, 4 mars 1961, [non paginé].
  • « Genève. Les candidats du Parti du travail au Grand Conseil », Voix ouvrière. Organe du Parti suisse du travail, 4 octobre 1961, p. 5.
  • « Les candidates du Parti du travail », Voix ouvrière. Organe du Parti suisse du travail, 12 octobre 1961, p. 6.
Bibliographie
  • La ménagère, une travailleuse. Autrefois-aujourd’hui. Compte-rendu du colloque organisé par le Collège du travail à Genève, les 10 et 11 mars 1983, Genève, Collège du travail, 1984.
  • Schweitzer, Sylvie, Les femmes ont toujours travaillé. Une histoire de leurs métiers, XIXe et XXe siècle, Paris, Odile Jacob, 2002.
  • Studer, Brigitte, Vallotton, François, Histoire sociale et mouvement ouvrier. Un bilan historiographique 1848-1998, Lausanne, Zurich, Éditions d’en bas, Chronos, 1997.

Emplacement temporaire des plaques du Projet 100Elles*

Femme* ayant obtenu un nom de rue officiel

100 Elles* - Le recueil

Retrouvez cette biographie dans le recueil

L’avenue Ruth Bösiger ? La rue Grisélidis Réal ? Ou le boulevard des Trente Immortelles de Genève ? Si ces noms ne vous disent rien, c’est parce que ces rues n’existent pas. Ou pas encore... À Genève, l'Escouade a fait surgir cent femmes* du passé où elles avaient été enfouies, en installant de nouveaux noms de rues dans la ville. Le livre 100Elles*constitue le recueil de ces cent portraits illustrés.

Cent biographies de femmes ayant marqué l'histoire du VIe au XXe siècle pour lutter contre l'effacement des figures féminines de la mémoire collective et les mécanismes patriarcaux de l’historiographie.

Cet ouvrage est le fruit d'un travail collaboratif, local et inclusif. Rédigé par des historiennes de l’Université de Genève et réalisé sous la direction de l’Escouade, il est illustré par dix artistes genevoises, alumnae de la HEAD – Genève, partenaire du projet.

Ouvrage disponible en librairie et sur le site des Editions Georg: https://www.georg.ch/livre-100elles