THÉODELINDE
Détail du parcellaire dessiné par Louis Blondel : quartier de Saint-Victor dans Louis Blondel, Les Faubourgs de Genève au XVe siècle, Genève, A. Jullien, 1919.

THÉODELINDE

?-~500, reine burgonde

Probablement morte aux alentours des années 500, Théodelinde est une reine burgonde à l’origine de la fondation de l’église Saint-Victor à Genève.

Peu d’éléments de la vie de Théodelinde nous sont parvenus à travers les siècles. Transférés au sein de l’Empire romain en 443, les Burgondes s’installent sur un territoire nommé la Sapaudia (le « pays des sapins » en celte), comprenant les rives du Léman. Genève devient tout d’abord la capitale de leur royaume. Remplacée par Lyon en 470, elle conserve toutefois la place de capitale secondaire. Théodelinde est l’épouse de Godégisel, un roi burgonde qui s’établit à Genève et possède les territoires recouvrant les évêchés du nord du royaume burgonde, soit le Valais, Chalon, Langres, Autun et Besançon.

Vers 480-490, Théodelinde fonde une église dédiée à saint Victor, un soldat martyr de la Légion thébaine, selon une version de la Passion de Victor et Ours rédigée au VIIe ou au VIIIe siècle. Situé à l’emplacement actuel de l’église russe à Genève, cet édifice épousait une forme ronde. Par cet acte à la portée à la fois politique et religieuse, la reine Théodelinde prend activement part au renforcement de l’orthodoxie chrétienne en cette région. À leur arrivée en Sapaudia, les Burgondes sont en effet arien.ne.s, c’est-à-dire chrétien.ne.s, mais appartenant à un courant théologique considéré comme hérétique par le concile de Nicée (325) qui établit une profession de foi « catholique », soit universelle. Comme d’autres reines burgondes à cette époque – des chrétiennes catholiques ayant épousé des rois ariens –, Théodelinde joue un rôle de premier plan dans cet effort d’adhésion à la profession de foi nicéenne. La fondation de Saint-Victor représente alors un acte manifeste en faveur de l’orthodoxie et atteste de l’influence de la reine dans ce sens. L’abandon de l’arianisme chez les rois burgondes ne sera toutefois pas pleinement réalisé avant 505, avec la conversion officielle de Sigismond, qui entreprend une politique active au profit de la foi catholique.

Selon la Passion de Victor et Ours, Théodelinde place dans cette église la dépouille de saint Victor, qu’elle fait acheminer depuis Soleure à Genève par l’évêque Domitien. Rassemblant nombre d’évêques et de prêtres, la fastueuse cérémonie qui a lieu à cette occasion est un moyen pour la monarchie burgonde de témoigner son respect envers la foi catholique de ses sujet.te.s et de s’assurer leur loyauté en retour. Sur le plan religieux, le transfert du corps de saint Victor n’est pas non plus sans signification en cette période où le culte des reliques et des saints gagne en importance. Support privilégié de la dévotion, « donnant corps » aux croyances, les reliques participent à l’implantation du christianisme en Occident. Aux environs de l’an mil, l’église Saint-Victor deviendra conventuelle et sera rattachée à Cluny.

Théodelinde a plusieurs enfants avec son époux Godégisel, décédés avec elleux vers 500. La famille connait en effet une fin tragique, puisqu’elle est exécutée à la suite d’une guerre qui oppose ce roi à son frère et ennemi Gondebaud. Théodelinde meurt probablement noyée dans le Rhône sur ordre de ce dernier.


Biographie : Anne-Lydie Dubois

Bibliographie
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  • Roch, Martin, Le Moyen Âge avant l’aube. Témoins et acteurs d’un monde en mutation, Bruyères-le-Châtel, Nouvelle Cité, 2018.
  • Santschi, Catherine, « Saint-Victor de Genève », in Helvetia sacra, no III/2, Die Cluniazenser in der Schweiz, Bâle, Helbing & Lichtenhahn, 1991, p. 239-324.

Emplacement temporaire des plaques du Projet 100Elles*

Femme* ayant obtenu un nom de rue officiel

100 Elles* - Le recueil

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L’avenue Ruth Bösiger ? La rue Grisélidis Réal ? Ou le boulevard des Trente Immortelles de Genève ? Si ces noms ne vous disent rien, c’est parce que ces rues n’existent pas. Ou pas encore... À Genève, l'Escouade a fait surgir cent femmes* du passé où elles avaient été enfouies, en installant de nouveaux noms de rues dans la ville. Le livre 100Elles*constitue le recueil de ces cent portraits illustrés.

Cent biographies de femmes ayant marqué l'histoire du VIe au XXe siècle pour lutter contre l'effacement des figures féminines de la mémoire collective et les mécanismes patriarcaux de l’historiographie.

Cet ouvrage est le fruit d'un travail collaboratif, local et inclusif. Rédigé par des historiennes de l’Université de Genève et réalisé sous la direction de l’Escouade, il est illustré par dix artistes genevoises, alumnae de la HEAD – Genève, partenaire du projet.

Ouvrage disponible en librairie et sur le site des Editions Georg: https://www.georg.ch/livre-100elles