Ruth BÖSIGER
Bösiger, André, Souvenirs d'un rebelle, p. 105

Ruth BÖSIGER

dite Coucou, 1907-1990, vendeuse et militante anarchiste

L'ancienne Place du Chevelu porte aujourd'hui son nom

Née Bersot en 1907 à Genève et décédée le 19 juillet 1990 dans cette même ville, Ruth Bösiger est photographe de métier, vendeuse et militante anarchiste.

Issue d’une mère d’origine russe et d’un père neuchâtelois, tous deux de parcours inconnu, Ruth Menkès – du nom de son premier mari George Menkès, médecin des pauvres et des syndicats, proche des milieux libertaires – milite dans les années 1930 au sein d’un groupe anarchiste genevois, probablement le groupe du Réveil. Elle y est notamment responsable de la chorale. Durant cette période, Genève est le centre de l’anarchisme suisse. Les associations libertaires qui s’y trouvent se concentrent sur l’action syndicale révolutionnaire (grève générale dans le bâtiment contre la diminution des salaires, attaques de chantiers dont les patrons ne respectent pas les conventions collectives), la lutte antifasciste et l’aide aux exilé.e.s du fascisme. Les femmes sont très actives au sein du groupe du Réveil ; organisatrices des sorties, elles s’occupent en outre de sa maintenance et de la diffusion du journal Le réveil anarchiste. Comme le racontera André Bösiger, second mari de Ruth Menkès, « la plupart d’entre elles étaient […] plus cultivées et évoluées que nous », ce qui ne les empêche pas d’être maintenues dans des tâches domestiques au sein du collectif. Ruth Menkès est en outre membre de la Ligue des droits de l’homme sans qu’il soit possible, en l’état des recherches, de dater cette affiliation.

Au milieu des années 1930, Ruth Menkès se charge également d’amener des colis à des prisonniers. C’est ainsi qu’elle rencontre son second mari, André Bösiger, ouvrier dans le bâtiment et militant anarchiste, enfermé pour insoumission à l’armée. Le couple se marie probablement au début des années 1940. Après la Seconde Guerre mondiale, Ruth Bösiger s’installe dans la vieille-ville. La photographie ne lui permettant pas de gagner sa vie, elle travaille d’abord comme ouvrière dans différentes usines, puis comme vendeuse au Grand Passage. Durant de nombreuses décennies, elle poursuit ses activités militantes, notamment au sein de l’Association suisse des libres penseurs. Atteinte par la maladie d’Alzheimer, elle décède le 19 juillet 1990.

Comme celles de tant d’autres femmes, les actions et les luttes de Ruth Bösiger sont presque invisibles. Elle n’a laissé que quelques maigres traces dans les archives de son second mari et dans le peu qu’il a bien voulu raconter d’elle dans son autobiographie (Souvenirs d’un rebelle. Soixante ans de lutte d’un libertaire jurassien). L’oraison funèbre prononcée par un ami du couple lors de l’enterrement de Ruth Bösiger est une parfaite illustration du phénomène de l’invisibilisation des femmes. En effet, dans un discours censé célébrer sa personne, ses actions militantes restent entièrement liées à celles de son mari comme le montre cet extrait : « Ensemble à la Ligue des droits de l’homme, tous deux rêvaient d’un monde plus juste. Mais il serait trop long de vous dire tous les combats qu’ils menèrent ensemble pendant la guerre pour soutenir et aider ceux qui luttaient dans le monde pour la liberté et la justice. La paix revenue, ils continuèrent tous deux à lutter d’une façon pacifique contre l’injustice, […] ».


Biographie : Laure Piguet

Bibliographie

Emplacement temporaire des plaques du Projet 100Elles*

Femme* ayant obtenu un nom de rue officiel

100 Elles* - Le recueil

Retrouvez cette biographie dans le recueil

L’avenue Ruth Bösiger ? La rue Grisélidis Réal ? Ou le boulevard des Trente Immortelles de Genève ? Si ces noms ne vous disent rien, c’est parce que ces rues n’existent pas. Ou pas encore... À Genève, l'Escouade a fait surgir cent femmes* du passé où elles avaient été enfouies, en installant de nouveaux noms de rues dans la ville. Le livre 100Elles*constitue le recueil de ces cent portraits illustrés.

Cent biographies de femmes ayant marqué l'histoire du VIe au XXe siècle pour lutter contre l'effacement des figures féminines de la mémoire collective et les mécanismes patriarcaux de l’historiographie.

Cet ouvrage est le fruit d'un travail collaboratif, local et inclusif. Rédigé par des historiennes de l’Université de Genève et réalisé sous la direction de l’Escouade, il est illustré par dix artistes genevoises, alumnae de la HEAD – Genève, partenaire du projet.

Ouvrage disponible en librairie et sur le site des Editions Georg: https://www.georg.ch/livre-100elles