Marie-Sidonia de LENONCOURT
1650-1685, aventurière et mémorialiste
Née en 1650 à Thionville en France et décédée en 1685 à Paris, Marie-Sidonia de Lenoncourt, dite marquise de Courcelles, est une héritière et mémorialiste dont les péripéties personnelles et judiciaires ont eu un rayonnement international.
Sa mère, Isabella Klara de Cronberg, est issue d’une famille aristocratique d’origine allemande, son père, Joachim de Lenoncourt, marquis de Marolles, gouverneur et lieutenant général des armées du roi, est l’héritier de l’une des principales familles de Lorraine. Après la mort prématurée de son père en 1655, suivie par celle de son frère et de sa sœur, Marie-Sidonia de Lenoncourt reste la seule héritière d’un vaste patrimoine, parce que, selon un usage courant, sa mère n’est pas associée à son éducation.
Élevée dans un couvent de religieuses à Orléans, auprès d’une tante, la jeune marquise est considérée comme étant en âge de se marier dès sa treizième année. Elle est alors amenée à Paris sur ordre du roi Louis XIV. Confiée à des dames de la haute noblesse et présentée à la cour, Marie-Sidonia de Lenoncourt est offerte à divers prétendants, au gré des visées de son entourage et de différents projets d’alliance politique. En 1666, elle épouse le marquis de Courcelles, Charles Ferdinand de Champlais. Dans les mémoires signés de son nom, elle raconte avoir négocié elle-même son contrat de mariage afin de s’assurer une certaine autonomie ainsi que la possibilité de rester à la cour. La marquise de Courcelles brille en effet à Versailles et ses liaisons sont favorisées par sa famille d’alliance, inférieure en rang et en patrimoine, qui essaye de tirer des avantages de ce mariage influent. En 1669, elle est frappée par une accusation d’adultère, qui ouvre un conflit conjugal qui fera date. Les implications juridiques de cette querelle sont complexes. Sa famille d’alliance et son mari visent, par ce procès, à s’assurer le contrôle de ses biens. Déclarée coupable d’infidélité, elle est emprisonnée et condamnée, mais parvient à s’enfuir en 1672 et quitte Paris.
Marie-Sidonia de Lenoncourt est alors contrainte de mener une vie itinérante qui la conduit de la France à la Savoie, et jusqu’à Londres. Durant ses pérégrinations internationales, elle séjourne presque une année à Genève, entre septembre 1675 et juin 1676. Elle intègre la société aisée de la cité, fréquente le salon de Louise de Frotté, bien que son style de vie libre inquiète, et qu’elle n’échappe pas aux rumeurs.
La mort prématurée de son mari en 1678 n’efface pas les accusations dont elle est l’objet. Le procès est repris par le frère du défunt en sa qualité d’héritier. Ce n’est qu’en 1680 que Marie-Sidonia de Lenoncourt, alors emprisonnée à la Conciergerie à Paris, est enfin acquittée. La sentence définitive, tout en lui rendant sa liberté, lui interdit néanmoins l’accès à la cour, en raison de sa séparation conflictuelle. Ayant retrouvé son autonomie et la plupart de ses biens grâce à son veuvage, elle passe ses dernières années entre Paris et ses terres. En 1685, elle épouse, de son propre chef, un militaire, Jacques Gaultier de Chiffreville, seigneur du Tilleul, auquel est confié son patrimoine. Elle meurt neuf mois après.
L’année suivant son décès, l’historien et publiciste Gregorio Leti, qui avait été son enseignant d’italien et son confident à Genève, publie des détails inédits et piquants sur son séjour dans la ville, puis des lettres échangées avec la dame ou à son sujet. Il en célèbre l’esprit et la beauté, mais il en dévoile aussi les affaires intimes. L’édition en 1808 des mémoires (peut-être remaniés) écrits par la marquise rencontre également un franc succès. Ce texte a durablement inspiré la littérature galante.
L’existence aventureuse de Marie-Sidonia de Lenoncourt ne correspond pas aux attentes sociales, à l’instar d’autres célèbres dames contemporaines, telles Olympe et Hortense Mancini, qu’elle a connues à Paris et retrouvées à Londres. Ces deux brillantes nièces du cardinal Mazarin ont été pour elle des complices et l’ont ensuite aidée et soutenue. Les sœurs Mancini ont sans doute contribué à forger sa détermination à préserver sa liberté d’action personnelle, par-delà des contraintes de son rang et des codes du genre.
Biographie : Daniela Solfaroli Camillocci
- Vie de la marquise de Courcelles, écrite en partie par elle-même, suivie de ses lettres et de la correspondance italienne de Gregorio Leti, relative à cette dame, éd. Simon Chardon de la Rochette, Paris, Xhrouet, Déterville et Petit, 1808.
- Leti, Gregorio, Historia genevrina, o sia historia della città, e Republica di Geneva, Cominciando dalla sua prima fondattione fino al presente, vol. 5, Amsterdam, Pietro e Abramo van Someren, 1686.
- Beaunier, André, Sidonia ou le malheur d’être jolie, Paris, Calmann-Lévy, 1920.
- Fillon, Anne, Fruits d’écritoire. Société et mentalités aux XVIIe et XVIIIe siècles, Le Mans, Laboratoire d’histoire anthropologique du Mans, 2000.
- Gérard-Gailly, Émile, La marquise de Courcelles. Une Manon Lescaut du XVIIe siècle, Paris, Albin Michel, 1943.