Marguerite DELLENBACH

Marguerite DELLENBACH

1905-1993, directrice de musée et ethnologue

L'ancienne Rue François Bergalone porte aujourd'hui son nom

Née le 9 juillet 1905 à Genève et décédée en aout 1993, Marguerite Dellenbach est une ethnologue, dont le parcours est marqué par une forte ascension sociale. Elle dirige le Musée d’ethnographie de Genève (MEG) entre 1952 et 1967.

Après avoir perdu son père à l’âge de 11 ans, Marguerite Dellenbach suit une formation de chapelière et exerce cette activité pour venir en aide à sa mère. Dans ce but, elle travaille aussi comme sténodactylo dans un bureau d’avocats. En 1922, Marguerite Dellenbach devient secrétaire pour le MEG, qui est dirigé par l’anthropologue Eugène Pittard. Ses tâches, faiblement rémunérées, relèvent alors de l’administration générale. Au fil des années, elle acquiert des compétences en ethnographie et en anthropologie et s’impose rapidement comme une véritable collaboratrice. Elle suit notamment les cours d’anthropologie générale de l’Université de Genève et passe son certificat d’études. Face à la qualité de ses services, son supérieur soutient en 1930 l’augmentation de son traitement à 1 500 francs suisses par an (au lieu de 1 200 francs). Une année plus tard, elle change de statut et devient assistante du musée.

Marguerite Dellenbach est, dès lors, pressentie pour assurer la direction du MEG en cas de mise en retraite ou de décès d’Eugène Pittard. Dès les années 1929-1931, ce dernier envisage de placer à sa tête celle qu’il définit en 1947 comme une « émanation de [lui-même] ». N’ayant pas les compétences de recherche requises pour ce poste, Marguerite Dellenbach entame une thèse à l’Université de Grenoble sous la direction de Raoul Blanchard, qui porte sur l’étude de la civilisation paléolithique dans le massif alpin. Elle la soutient en 1935 sous le titre de La conquête du massif alpin et ses abords par les populations préhistoriques. En juin 1951, elle est finalement nommée directrice du musée ethnographique par le Conseil administratif et exerce ce rôle entre 1952 et 1967.

Dans le cadre de ses différentes fonctions, Dell – surnom que lui ont donné ses collègues du musée – organise la première expédition de l’institution au Sahara en 1948, en collaboration avec Jean Gabus, conservateur au Musée d’ethnographie de Neuchâtel. Elle conduit également plusieurs enquêtes de terrain à l’étranger : en Afrique occidentale, en Kabylie, en Chine, au Proche-Orient, en France et au Népal, où elle est l’ethnologue de la mission scientifique genevoise pour l’expédition suisse de 1952. Sous sa direction, le musée acquiert des poteries domestiques en provenance du monde entier et organise plusieurs expositions temporaires comme celles sur « les armes d’Afrique » en 1952 ou sur « le mobilier de repos et de parade » en 1965. Quant à ses publications scientifiques, elles portent aussi bien sur les estampes japonaises d’Hiroshige que sur les bambous de Nouvelle-Calédonie, pour lesquelles elle collabore avec son mari, l’ethnologue Georges Lobsiger. Il est néanmoins à noter que ses textes sont parfois marqués par les idées ethnocentriques du début du XXe siècle. En 1946, elle considère, à titre d’exemple, que l’Australien indigène – « ce primitif actuel » – n’a pas « atteint un stade aussi avancé de son évolution mentale que l’homme du Paléolithique – du moins du Paléolithique européen ».

Au cours de sa carrière, Marguerite Dellenbach réussit à s’imposer dans un monde scientifique masculin. Entre 1941 et 1965, elle enseigne en tant que privat-docente à l’Université de Genève, autrement dit, sans rémunération. En 1944, elle devient la première femme suisse à présider une société savante, celle de géographie de Genève, et prend par la suite la présidence d’autres sociétés, dont la Société suisse d’anthropologie et la Société suisse des américanistes. Elle participe à plusieurs congrès internationaux, notamment à celui d’anthropologie et d’archéologie préhistorique de Bucarest en 1937, et y présente des communications en ethnographie. Enfin, ses travaux sont récompensés par diverses distinctions, dont la médaille française de Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres.

Une exposition organisée au MEG du 29 février 2008 au 4 janvier 2009 rend hommage à une partie de ses recherches : Bambous kanak. Une passion de Marguerite Lobsiger-Dellenbach.


Biographie : Caroline Montebello

Travaux (sélection)
  • « Une calebasse-trophée utilisée dans la magie guerrière chez les Bamouns (Cameroun) », L’ethnographie, no 23, 1931, p. 97-100.
  • « La conquête du Massif alpin et de ses abords par les populations préhistoriques », Revue de géographie alpine, tome 23, no 2, 1935, p. 147-416.
  • « Bambous gravés de la Nouvelle-Calédonie : deux spécimens particulièrement intéressants », Archives suisses d’anthropologie générale, tome 7, no 3, 1936, p. 259-276.
  • Avec Georges Lobsiger, « Quelques aspects de l’existence des Néo-Calédoniens d’après leurs bambous gravés », Le globe. Revue genevoise de géographie, tome 81, 1942, p. 33-74.
  • « L’art chez les Australiens », Comptes rendus des séances de la Section des sciences naturelles et mathématiques, no 1, 1946, p. 14-17.
  • « Recherches ethnologiques au Népal (Vallée de Katmandou) », Le globe. Revue genevoise de géographie, tome 92, 1953, p. 1-62.
Sources
  • T. J., « Quelques instants avec Mme Marguerite Lobsiger-Dellenbach, directrice, dès 1952, du Musée d’ethnographie », Journal de Genève, 7 aout 1951, p. 4.
  • « Exposition temporaire du Musée d’ethnographie. Les armes d’Afrique », Journal de Genève, 18 mars 1952, p. 9.
  • « Le Musée d’ethnographie de Genève expose Dis-moi sur quoi tu dors… », Journal de Genève, 12 juillet 1965, p. 7.
  • Necker, Louis, « Hommage à Marguerite Lobsiger-Dellenbach », Bulletin de la Société suisse des américanistes, no 55-56, 1991-1992, p. 7.
  • Carrel, Georges, « Hommage à Madame Marguerite Lobsiger-Dellenbach », Le globe. Revue genevoise de géographie, tome 133, 1993, p. 8.
Bibliographie
  • Coiffier, Christian, « Les bambous gravés kanak et Marguerite Dellenbach », Journal de la Société des Océanistes, no 126-127, 2008, p. 320-325.
  • Jakubec, Joel, « Marguerite Lobsiger-Dellenbach », in Deuber Ziegler, Erica, Tikhonov, Natalia (dir.), Les femmes dans la mémoire de Genève, du XVe au XXe siècle, Genève, Susan Hurter, 2005, p. 282-283.
  • Leblic, Isabelle, « À propos de Bambous kanak. Une passion de Marguerite Lobsiger-Dellenbach », Journal de la Société des océanistes, no 126-127, 2008, p. 311-317.
  • Reubi, Serge, Gentlemen, prolétaires et primitifs. Institutionnalisation, pratiques de collection et choix muséographiques dans l’ethnographie suisse, 1880-1950, Berne, Peter Lang, 2011.

Emplacement temporaire des plaques du Projet 100Elles*

Femme* ayant obtenu un nom de rue officiel

100 Elles* - Le recueil

Retrouvez cette biographie dans le recueil

L’avenue Ruth Bösiger ? La rue Grisélidis Réal ? Ou le boulevard des Trente Immortelles de Genève ? Si ces noms ne vous disent rien, c’est parce que ces rues n’existent pas. Ou pas encore... À Genève, l'Escouade a fait surgir cent femmes* du passé où elles avaient été enfouies, en installant de nouveaux noms de rues dans la ville. Le livre 100Elles*constitue le recueil de ces cent portraits illustrés.

Cent biographies de femmes ayant marqué l'histoire du VIe au XXe siècle pour lutter contre l'effacement des figures féminines de la mémoire collective et les mécanismes patriarcaux de l’historiographie.

Cet ouvrage est le fruit d'un travail collaboratif, local et inclusif. Rédigé par des historiennes de l’Université de Genève et réalisé sous la direction de l’Escouade, il est illustré par dix artistes genevoises, alumnae de la HEAD – Genève, partenaire du projet.

Ouvrage disponible en librairie et sur le site des Editions Georg: https://www.georg.ch/livre-100elles