Lina STERN

1878-1968, médecin et biochimiste

Née le 26 aout 1878 à Liepāja en Lettonie et décédée le 7 mars 1968 à Moscou, Lina Stern est une médecin et scientifique spécialisée en physiologie et biochimie. Elle est la première femme nommée professeure à l’Université de Genève en 1918, mais fait l’essentiel de sa carrière en URSS.

Née dans une famille bourgeoise juive de Lettonie, Lina Stern se rend à Genève en 1898 afin de pouvoir accéder à une université. Elle y rejoint un groupe important d’étudiant.e.s russes. Elle se spécialise en médecine et en physiologie, et obtient son doctorat en 1903 avec une thèse intitulée Contribution à l’étude des contractions de l’uretère. Elle est engagée comme assistante pour réaliser des recherches en chimie physiologique, notamment sur l’oxydation biologique, permettant la découverte d’un enzyme (polyphénol oxydase). Elle enseigne ensuite comme privat-docente, grade important, mais non rémunéré. Elle est nommée professeure extraordinaire quinze ans après son doctorat et l’enseignement d’une nouvelle discipline lui est confié : la chimie physiologique. Ses travaux portent notamment sur la respiration cellulaire, le cerveau et le liquide intracrânien. Autrice, durant cette période, d’une cinquantaine d’articles, la scientifique acquiert une renommée internationale. Elle ne parvient néanmoins pas à être nommée professeure ordinaire malgré le préavis favorable d’une commission universitaire en 1924. Elle subit notamment une « campagne de dénigrement » médiatique, « mettant en cause ses origines russe et juive ».

En 1926, elle accepte un poste à Moscou, où les autorités lui offrent la possibilité de diriger son propre institut de recherches physiologiques, rattaché au ministère de la Santé et de l’Éducation. Lina Stern y mène des travaux sur le tétanos, les traumatismes des soldats et la méningite tuberculeuse. Pour traiter cette dernière, elle parvient à s’approvisionner en streptomycine, un nouvel antibiotique, auprès de son frère aux États-Unis. Elle participe à de nombreux congrès internationaux. Son travail est reconnu et apprécié : en 1934, elle obtient le titre de « travailleur honoré de la science » et reçoit une automobile en récompense pour ses trente ans de travail scientifique. Elle est la première femme élue membre de l’Académie des sciences en 1939.

Dès 1947, ses liens avec des médecins et chercheurs d’Europe de l’Ouest la rendent cependant suspecte aux yeux des autorités soviétiques. À nouveau victime d’antisémitisme, elle est accusée de « cosmopolitisme scientifique » et de nationalisme juif. Son appartenance au Comité antifasciste juif, pourtant soutenu pendant la Seconde Guerre mondiale par le pouvoir soviétique, lui est alors reprochée. Arrêtée en 1949 avec les autres membres de ce comité, la chercheuse est condamnée à cinq ans d’exil. Elle échappe ainsi à l’exécution contrairement à ses collègues, fusillés en 1952. Lina Stern a alors 74 ans. La mort de Staline et les besoins du régime amènent au raccourcissement de sa peine. Elle est libérée en 1953 et réhabilitée en 1958. Toujours au plus proche des besoins médicaux et sociaux, elle fait alors des recherches sur les effets biologiques des radiations et signe encore une dizaine d’articles. Elle meurt à 90 ans.

En 1960, l’Université de Genève décerne à la chercheuse russe un titre de docteure honoris causa ès sciences. En 2016, les hôpitaux universitaires de Genève baptisent un bâtiment à son nom.


Biographie : Sarah Scholl

Travaux (sélection)
  • « Expérience sur la prétendue sécrétion interne des reins », Revue médicale de la Suisse romande, année 22, 1902, p. 74-91.
  • Contribution à l’étude physiologique des contractions de l’uretère, Genève, Imprimerie Reggiani et Graf, 1903.
  • Über den Mechanismus der Oxydationsvorgänge im Tierorganismus, Jena, G. Fischer, 1914.
  • Avec Raymond Gautier, « Le passage dans le liquide céphalo-rachidien de substances introduites dans la circulation et leur action sur le système nerveux central chez les différentes espèces animales », Archives des sciences physiques et naturelles, vol. 46, 1918, p. 91-94.
Bibliographie
  • Dreifuss, Jean-Jacques, Tikhonov, Natalia, « Lina Stern », in Deuber Ziegler, Erica, Tikhonov, Natalia (dir.), Les femmes dans la mémoire de Genève, du XVe au XXe siècle, Genève, Suzanne Hurter, 2005, p. 144-146.
  • Dreifuss, Jean-Jacques, Tikhonov, Natalia, « Une étoile à la Belle Époque : Lina Stern, professeur de médecine à Genève », Revue médicale suisse, vol. 3, 2007 (www.revmed.ch/RMS/2007/RMS-128/2736).
  • « Lina Stern », in Faces à faces 06/09 : exposition Uni Dufour, du 3 juin au 30 septembre 2009, Genève, Université de Genève, 2009, p. 96.
  • « Lina Stern », in Wikipédia (https://fr.wikipedia.org/wiki/Lina_Stern).

Emplacement temporaire des plaques du Projet 100Elles*

Femme* ayant obtenu un nom de rue officiel

100 Elles* - Le recueil

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L’avenue Ruth Bösiger ? La rue Grisélidis Réal ? Ou le boulevard des Trente Immortelles de Genève ? Si ces noms ne vous disent rien, c’est parce que ces rues n’existent pas. Ou pas encore... À Genève, l'Escouade a fait surgir cent femmes* du passé où elles avaient été enfouies, en installant de nouveaux noms de rues dans la ville. Le livre 100Elles*constitue le recueil de ces cent portraits illustrés.

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Cet ouvrage est le fruit d'un travail collaboratif, local et inclusif. Rédigé par des historiennes de l’Université de Genève et réalisé sous la direction de l’Escouade, il est illustré par dix artistes genevoises, alumnae de la HEAD – Genève, partenaire du projet.

Ouvrage disponible en librairie et sur le site des Editions Georg: https://www.georg.ch/livre-100elles