Idelette De BURE
Source: Musée Liège

Idelette De BURE

~1505-1549, gestionnaire du ménage Calvin

Née en 1505 ou 1506 à Liège en Belgique et décédée le 29 mars 1549 à Genève, Idelette de Bure est connue pour avoir été l’épouse de Jean Calvin. Les informations sur elle, tirées notamment de la correspondance de son époux, sont rares et fragmentaires.

Idelette de Bure est probablement issue d’une famille de l’élite politique liégeoise et d’un réseau familial d’adhérent.e.s à la Réforme protestante. Les noms de ses parents ne sont pas connus. Vers 1525, elle se marie avec Jean Stordeur, qui est alors un chef anabaptiste, laissant deviner son appartenance à un courant théologique protestant radical et dissident. Vers 1532, la famille de Jean Stordeur est impliquée activement dans les mouvements de révolte sociale. Ses frères sont persécutés et condamnés, tout comme des membres de la famille de Bure. Certains arrivent à quitter la ville, mais leurs biens sont confisqués. Dans les années suivantes, Idelette de Bure, son mari et ses enfants, se déplacent au gré des prédications itinérantes de leur groupe et rejoignent les territoires romands. Les anabaptistes passent par Genève en 1537, entrainant une dispute théologique avec les pasteurs, suite à laquelle ils sont bannis de la ville. Le groupe se rend alors à Strasbourg, où le couple aurait réintégré les rangs de l’Église réformée francophone, peu avant l’arrivée de Jean Calvin, à son tour éloigné de Genève suite à un conflit avec les magistrats.

Après le décès de Jean Stordeur de la peste, en aout 1540, Idelette de Bure se marie avec Jean Calvin qui a été rappelé à Genève pour y exercer à nouveau les fonctions de pasteur. Elle le rejoint en 1541 et l’année suivante accouche d’un enfant qui meurt peu après. Souffrante de fièvres et sans doute victime des séquelles de deux autres fausses couches, Idelette de Bure gère le ménage dans les périodes où elle retrouve sa santé. Elle élève ses enfants, s’occupe de Jean Calvin, qui est de son côté souvent malade, et se charge de l’apprentissage domestique et religieux de jeunes filles de la ville. Elle s’implique également dans l’entraide à l’égard d’autres femmes de pasteurs, à l’occasion, par exemple, de leurs maladies ou grossesses. En tant que figure publique, elle est également exposée aux attaques personnelles des adversaires de Jean Calvin. En 1547, elle semble avoir été très affectée par des rumeurs sur son premier mariage. À cause de son ancienne appartenance au courant anabaptiste, celui-ci est considéré comme irrégulier et assimilé au concubinage ; elle est alors insultée publiquement dans la rue.

Idelette de Bure meurt dans sa quarantaine, après une courte maladie. Dans les jours suivant sa disparition, Jean Calvin exprime à ses correspondants son immense tristesse. Contrairement aux usages des pasteurs réformés, il décide finalement de ne pas se remarier. Durant les quinze années suivantes, c’est une fille d’Idelette de Bure, nommée Judith Stordeur, qui s’occupe de sa maison et de sa santé, avec d’autres femmes de son proche entourage familial, et des domestiques.

La figure d’Idelette de Bure a interpelé l’historiographie calvinienne. La rareté des documents à son égard a inspiré aussi des œuvres de fiction. Soucieux de défendre l’image de Jean Calvin, souvent accusé de dureté et même de tempérament tyrannique, ses biographes se sont volontiers arrêtés sur les joies de ce mariage « de raison », et ont souligné les vertus domestiques de l’épouse. Dans cette perspective, elle est demeurée dans l’ombre. Les historiens ont plus rarement interrogé la précoce adhésion à la Réforme d’Idelette de Bure, la portée de ses choix théologiques, radicaux aussi sur le plan social, marqués par le non-conformisme et, en conséquence, par l’itinérance et la marginalisation. Sur la base du profil idéalisé tracé par Jean Calvin lui-même dans ses lettres, ils ont finalement produit une image caricaturale et rassurante de la gestionnaire de son ménage : probe, discrète, laborieuse bien que fragile, belle de plus, mais surtout silencieuse et modeste


Biographie : Daniela Solfaroli Camillocci

Bibliographie
  • Cottret, Bernard, Calvin, Paris, J.-C. Lattès, 1995.
  • Doumergue, Émile, Jean Calvin. Les hommes et les choses de son temps, vol. 2 : Les premiers essais, Lausanne, Georges Bridel et Cie, 1902, p. 462-478.
  • Rahlenbeeck, Charles A., « Bure, Idelette de », in Biographie nationale de Belgique, tome 3, 1872, p. 167-168.
  • Weiss, Nathaniel, « Un portrait de la femme de Calvin », Bulletin de la Société de l’histoire du protestantisme français, vol. 56, no 3, 1907, p. 222-233.
  • « Idelette de Bure », in Wikipédia (https://en.wikipedia.org/wiki/Idelette_Calvin).

Emplacement temporaire des plaques du Projet 100Elles*

Femme* ayant obtenu un nom de rue officiel

100 Elles* - Le recueil

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L’avenue Ruth Bösiger ? La rue Grisélidis Réal ? Ou le boulevard des Trente Immortelles de Genève ? Si ces noms ne vous disent rien, c’est parce que ces rues n’existent pas. Ou pas encore... À Genève, l'Escouade a fait surgir cent femmes* du passé où elles avaient été enfouies, en installant de nouveaux noms de rues dans la ville. Le livre 100Elles*constitue le recueil de ces cent portraits illustrés.

Cent biographies de femmes ayant marqué l'histoire du VIe au XXe siècle pour lutter contre l'effacement des figures féminines de la mémoire collective et les mécanismes patriarcaux de l’historiographie.

Cet ouvrage est le fruit d'un travail collaboratif, local et inclusif. Rédigé par des historiennes de l’Université de Genève et réalisé sous la direction de l’Escouade, il est illustré par dix artistes genevoises, alumnae de la HEAD – Genève, partenaire du projet.

Ouvrage disponible en librairie et sur le site des Editions Georg: https://www.georg.ch/livre-100elles