Henriette SALOZ-JOUDRA
1855-1928, médecin
Née le 19 mai 1855 à Vitebsk en Russie et décédée le 27 juin 1928 à Genève, Henriette Saloz-Joudra est la première femme médecin à avoir ouvert son propre cabinet à Genève.
Issue d’une famille d’aristocrates russo-polonais, Henriette de Joudra grandit à Vitebsk et débute sa scolarité à Saint-Pétersbourg. Son oncle, Nikolaï Progov, un médecin qui soutient l’instruction féminine notamment dans les domaines des sciences et de la médecine, l’incite à se rendre en Suisse pour poursuivre ses études. En effet, à cette époque, les formations médicales russes ne sont pas mixtes et ne délivrent pas le diplôme de médecin aux femmes, mais seulement celui de « sage-femme savante ».
Dès sa fondation en 1873, l’Université de Genève intègre dans ses statuts le principe de mixité, la Faculté de médecine est donc accessible aux femmes. Henriette de Joudra rejoint les bancs de la faculté à partir de 1876 en tant qu’auditrice, puis est officiellement étudiante entre 1877 et 1881. Elle soutient une thèse de doctorat en cardiologie en juin 1883, intitulée Contribution à l’étude clinique du bruit de galop. Quelques mois après avoir reçu son titre de médecin, elle épouse un de ses collègues, Charles-Eugène Saloz, avec qui elle a deux fils, qui poursuivent la même carrière que leurs parents, étudiant la médecine à l’Université de Genève.
Le couple Saloz-Joudra s’installe dans le quartier de Rive à Genève et ouvre un cabinet médical, dans lequel chacun.e propose ses propres consultations. Henriette Saloz-Joudra reçoit principalement des femmes et des enfants et assure, en parallèle de la médecine générale, des activités gynécologiques, obstétricales et pédiatriques. Sa clientèle est nombreuse et lui offre une activité pérenne, une aisance financière et la renommée d’une femme active, compétente et indépendante.
Son succès ne permet cependant pas de faire évoluer la situation des femmes médecins à Genève. En 1894, Henriette Saloz-Joudra soumet sa candidature pour être admise à la Société médicale de Genève. Celle-ci est refusée et dans le rapport annuel de la société, publié pour cette même année, il est écrit que : « Sur la proposition de quelques membres, notre bureau s’est réuni et nous avons même tenu une séance extraordinaire pour examiner l’opportunité de quelques modifications à nos règlements. Le résultat de ces réunions a été que, pour le moment, aucun changement n’est nécessaire ». Suite au refus de la candidature de sa femme, Charles-Eugène Saloz décide de ne pas y entrer non plus. Après avoir soigné les Genevois.es pendant plus de quarante ans, Henriette Saloz-Joudra cesse de pratiquer en 1926, lorsqu’elle est victime d’un accident et perd la vue. Elle s’éteint deux ans plus tard.
Biographie : Mathilde Sigalas
- Dreifuss, Jean-Jacques, « Les premières étudiantes à la Faculté de médecine et leurs activités professionnelles à Genève », Gesnerus, vol. 48, no 3-4, 1991, p. 429-438.
- Dreifuss, Jean-Jacques, Tikhonov, Natalia, « Henriette Saloz-Joudra », in Deuber Ziegler, Erica, Tikhonov, Natalia (dir.), Les femmes dans la mémoire de Genève, du XVe au XXe siècle, Genève, Suzanne Hurter, 2005, p. 135-136.
- Mayer, Roger, « Henriette Saloz », in Dictionnaire historique de la Suisse (https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/014715/2011-01-11/).