Élisabeth BAULACRE
Atelier de batteur d'or. Planche de l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert (1751-1772), coll. privée (image trouvée dans l'article sur Baulacre d’Anne-Marie Piuz dans Les femmes dans la mémoire de Genève, p.51 et sur Wikipedia). https://fr.wikipedia.org/wiki/Batteur_d%27or

Élisabeth BAULACRE

1613-1693, cheffe d’entreprise

L'ancienne Rue Léonard Baulacre porte aujourd'hui son nom

Née le 15 septembre 1613 à Genève et décédée le 12 septembre 1693 dans cette même ville, Élisabeth Baulacre est une cheffe d’entreprise d’envergure, dirigeant une fabrique de dorures importante au XVIIe siècle.

Fille de Françoise Pelissari et du marchand Nicolas Baulacre, Élisabeth Baulacre est issue d’une famille protestante originaire de Tours et réfugiée à Genève. Les Baulacre sont des marchands et des artisans, tandis que les Pelissari sont spécialisés dans l’industrie et le commerce de la soie à Genève. Élisabeth Baulacre est baptisée en septembre 1613 par le pasteur Simon Goulart. En 1637, elle épouse Pierre Perdriau, lui aussi marchand et fils de marchand, mais leur union ne dure que quelques années puisque ce dernier meurt en 1641. Bien qu’elle se remarie en 1655 avec Jacob Andrion, elle mène ses affaires seule, de manière indépendante, ce qui est exceptionnel pour l’époque. En effet, ses deux époux n’ont pas pris part au formidable essor de son entreprise, dont le succès lui revient entièrement.

Entre 1641 et 1690, Élisabeth Baulacre développe considérablement l’affaire héritée de son premier mari. Le commerce qu’elle reprend, principalement consacré à la mercerie, est modeste dans un premier temps. Elle se spécialise dans la confection de fils d’or et d’argent. Ces « traits » pouvaient être tissés avec de la soie au sein d’étoffes précieuses ainsi qu’employés dans la passementerie, utilisés par les boutonniers, fabricants de dentelles, de cordons ou encore de rubans. Grâce à ses efforts, à son inventivité et à son sens aigu de la gestion, Élisabeth Baulacre se retrouve à la tête d’une entreprise florissante et prospère, employant des centaines de travailleurs (voire plus d’un millier). Ceux-ci prennent en charge diverses tâches et occupent différentes fonctions au sein du processus de production. Son entreprise est au sommet de la vente et de la fabrication des dorures dans le secteur de la soie, durant une période – la seconde moitié du XVIIe siècle – témoignant d’un engouement pour ces produits luxueux.

Le mode de production qu’Élisabeth Baulacre pratique consiste à employer les ouvriers à domicile et dans de petits ateliers, méthode caractéristique de la période préindustrielle, en leur louant les outils nécessaires et en leur fournissant la matière première. Bien que l’activité des femmes ait laissé peu de traces dans les documents, on peut supposer qu’une main-d’œuvre féminine participe également à ce travail, puisque celle-ci joue un rôle important dans la dorure au XVIIe siècle. À travers les liens contractuels qu’elle noue avec ses travailleurs, Élisabeth Baulacre annonce la figure du patron capitaliste. Elle rend en effet ces derniers dépendants de son entreprise, en possédant parfois leur logement en plus de leurs outils. Elle leur accorde des prêts avec intérêt et prend en charge la formation des jeunes, tandis qu’en échange les ouvriers s’engagent à travailler pour son entreprise de manière exclusive. Élisabeth Baulacre s’enrichit jusqu’à devenir l’une des contribuables les plus important.e.s de Genève, possédant la fortune la plus conséquente de la ville après le très riche marchand et banquier Jean-Antoine Lullin. Personnage de poids sur le plan économique, elle use probablement de son influence dans le domaine de la politique, notamment lors de l’élection des syndics. Elle meurt à près de 80 ans, non sans avoir laissé dans les chroniques du temps la mémoire de sa personnalité ambitieuse et talentueuse.


Biographie : Anne-Lydie Dubois

Bibliographie
  • Mottu-Weber, Liliane, « L’insertion économique des femmes dans la ville d’Ancien Régime. Réflexions sur les recherches actuelles », in Head-König, Anne-Lise, Tanner, Albert (éd.), Frauen in der Stadt. Les femmes dans la ville, Zurich, Chronos, 1993, p. 25-33.
  • Mottu-Weber, Liliane, « Nombreuses dans l’ombre des boutiques, rares à leur tête », in Deuber Ziegler, Erica, Tikhonov, Natalia (dir.), Les femmes dans la mémoire de Genève, du XVe au XXe siècle, Genève, Susan Hurter, 2005, p. 46-47.
  • Piuz, Anne-Marie, « Élisabeth Baulacre », in Dictionnaire historique de la Suisse (https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/028557/2002-05-01/).
  • Piuz, Anne-Marie, « Élisabeth Baulacre », in Deuber Ziegler, Erica, Tikhonov, Natalia (dir.), Les femmes dans la mémoire de Genève, du XVe au XXe siècle, Genève, Susan Hurter, 2005, p. 50-51.
  • Piuz, Anne-Marie, « La fabrique de dorures d’Élisabeth Baulacre », in Piuz, Anne-Marie, À Genève et autour de Genève aux XVIIe et XVIIIe siècles, Lausanne, Payot, 1985, p. 166-183.

Emplacement temporaire des plaques du Projet 100Elles*

Femme* ayant obtenu un nom de rue officiel

100 Elles* - Le recueil

Retrouvez cette biographie dans le recueil

L’avenue Ruth Bösiger ? La rue Grisélidis Réal ? Ou le boulevard des Trente Immortelles de Genève ? Si ces noms ne vous disent rien, c’est parce que ces rues n’existent pas. Ou pas encore... À Genève, l'Escouade a fait surgir cent femmes* du passé où elles avaient été enfouies, en installant de nouveaux noms de rues dans la ville. Le livre 100Elles*constitue le recueil de ces cent portraits illustrés.

Cent biographies de femmes ayant marqué l'histoire du VIe au XXe siècle pour lutter contre l'effacement des figures féminines de la mémoire collective et les mécanismes patriarcaux de l’historiographie.

Cet ouvrage est le fruit d'un travail collaboratif, local et inclusif. Rédigé par des historiennes de l’Université de Genève et réalisé sous la direction de l’Escouade, il est illustré par dix artistes genevoises, alumnae de la HEAD – Genève, partenaire du projet.

Ouvrage disponible en librairie et sur le site des Editions Georg: https://www.georg.ch/livre-100elles